LE VENT D'AUTAN
LE VENT D’AUTAN Villefranche de Lauragais
(Jean ODOL)
Le vent du diable
L'autan est bien sûr entré dans l'histoire. « La Chanson de la Croisade contre les cathares 1209-1229 » dépeint avec réalisme la tempête d'autan qui accompagnera l'ultime attaque lancée par les Croisés lors du siège de Toulouse, le dimanche 1er juillet 1218. Les historiens de Toulouse évoquent immanquablement l'incendie de la ville sous Louis XI, le 7 mai 1463, qui fut attisé par l'autan et détruisit sept mille maisons, soit les deux tiers de la cité.
Le vent du diable est détesté par les populations paysannes. L'autan est interprété comme une lutte manichéenne entre le bon vent ou « vent de Dieu » (représenté par le vent d'Ouest ou Cers) et le mauvais vent ou « envoyé du Diable », celui de l'Est). Il ravage les récoltes, casse, brise les champs de maïs et de tournesol. Dans les barriques, le vin « tourne » et se transforme en vinaigre.
Les anciennes habitations étaient quant à elles adaptées à l'autan. L'axe principal de la métairie était ainsi parallèle à la direction du vent qui se heurte toujours à un mur sans ouverture. La cuisine était placée au midi et souvent protégée par un auvent appelée « la capelada ». Aujourd'hui ces impératifs sont complètement oubliés et l'on s'étonne que, par vent d'autan, portes et fenêtres claquent brutalement avec souvent des bris de vitres ...
Les hommes supportent très mal ce vent fou qui provoque des migraines, une fatigue anormale, et une excitation que les enseignants retrouvent chez leurs élèves. Un dicton est bien connu : « quand l'auta bufa, los fats d'Albi dansan" (quand l'autan souffle, les fous d'Albi dansent). Le vent agit également sur les animaux : les boeufs donnent des coup de cornes, les chevaux des coups de pied, les chiens mordent, les vipères attaquent. Même les poissons n'ont pas faim suivant le dicton « l'auta es pas cassaire, es pas pescaire, es pa femnejaire », soit « l'autan n'est pas chasseur, n'est pas pêcheur, n'est pas favorable aux coureurs de jupons », (dans femnejaire, il y a le mot femna, la femme).
Le vent d'Est est maudit car selon un témoignage que je tiens d'un très vieux paysan Lauragais aujourd'hui disparu : « le vent d'Est soufflait le Vendredi Saint. Il ne voulut pas apporter de l'eau au Christ en croix et c'est pour cela qu'il est maudit ».
Ami lecteur, allez vous promener en Lauragais et découvrez que le vent d'autan s'inscrit dans le paysage humanisé. Sur la route, entre Castelnaudary et Revel, les platanes sont déformés par le vent et l'on voit concrètement la direction d'où il vient. Regardez toutes les anciennes métairies, toutes parallèles à la direction du vent. A Sorèze ou Revel, on aperçoit encore de grosses pierres sur certains toits. Toutes les métairies étaient entourées de haies brise vent, avec beaucoup d'ormeaux. Aujourd'hui, ceux-ci sont morts, beaucoup de haies ont disparu, mais regardez les haies modernes que l'on replante un peu partout, pour se protéger ou mettre à l'abri les parcelles portant blé, tournesol, ou pastel (vers le Mas Saintes Puelles par exemple) : contre quoi ?
Preuve que l'autan demeure, encore aujourd'hui et sans doute pour longtemps, le seigneur maître du Lauragais.