ARISTIDE BRUANT - LE CHAT NOIR" 1911
MERCI A Jean Marbach - Le chat noir enregistré par Aristide Bruant en 1911 disque Pathé 188
Gravures extraites du livre "Chansons et monologues d'Aristide Bruant"
Louis Armand Aristide Bruand dit Aristide Bruant, né le 6 mai 1851 à Courtenay (Loiret)1 et mort le 11 février 1925 à Paris 18e, fut un chansonnier et écrivain français.
Ses chansons populaires, sa présence en scène, sa voix rauque et puissante et sa carrure ont fait de lui un monument de la chanson française réaliste. Il est considéré comme un des plus grands poètes de l'argot de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Il a été l'un des créateurs de la chanson réaliste, mouvement qui a perduré jusqu'au milieu du XXe siècle avec notamment Édith Piaf comme l'une des dernières interprètes. Ce mouvement a laissé des traces durables jusque dans la chanson française contemporaine.
Le Chat noir, cabaret artistique à la mode, avait été aménagé par Rodolphe Salis dans un ancien bureau de poste situé au 84, boulevard Rochechouart à Paris.
Pour sa réception au sein de ce cénacle, fréquenté par l'élite poétique, il compose la Ballade du Chat Noir, chanson restée célèbre jusqu'à aujourd'hui. Bruant troque alors le cérémonieux complet-jaquette contre une tenue de garde-chasse, vareuse de velours côtelé noir avec culotte assortie, enfoncée dans de grosses bottes noires, chemise et cache-nez écarlates, en guise de manteau une immense cape noire et, comme couvre-chef, le feutre noir à larges bords que son ami Toulouse-Lautrec a souvent croqué de face, de profil ou de dos. Il explique ainsi sa transformation : « Le guignol est terminé !… Un nouveau Bruant est né !… Et ce Bruant-là va dire deux mots à la foule des fils-à-papa, des fainéants, des incapables !… Il leur criera la haine menaçante des pauvres et des révoltés… ainsi que la douleur blottie dans les bas-fonds… »
Un chanteur en costume de velours, qui met ses bottes sur les tables pour chanter des refrains argotiques, c'est une nouveauté que la clientèle du Chat noir apprécie. Il est applaudi tous les soirs. Le patron de l'établissement ne le paye pas et se contente de l'autoriser à vendre des sortes de petits formats dans la salle, ce qui ne lui rapporte que de maigres revenus.
La fortune ne commence à sourire au chansonnier que lorsque Rodolphe Salis, effrayé par les voyous du quartier, abandonne le cabaret du boulevard Rochechouart, pour installer le Chat noir rue Victor-Massé, une petite rue parallèle au boulevard. Avec mille francs prêtés par un admirateur, il s'installe alors dans un local déserté qu'il baptise le Mirliton, du nom d'un instrument de musique populaire et bon marché.
LE MIRLITON
Le soir de l'inauguration du Mirliton, il n'y a que trois clients. Dépité, il se met à les insulter copieusement : le public apprécie. C'est ainsi qu'il crée son image de marque. Par opposition au style affecté de Rodolphe Salis, gentilhomme d'opérette, il choisit la grossièreté. Tandis que Rodolphe Salis saluait ses clients du titre de monseigneur, Bruant les appelle crapules. Lorsque Rodolphe Salis affectait la tenue d'un général en civil, Bruant s'habille en gouape. Chez Bruant, pour saluer l'arrivée d'un client, on chante : « Oh c'te gueule, c'te binette. »
Ensuite, debout sur une table, Aristide Bruant donne d'une voix forte ses instructions aux gens du monde par la renommée : « Tas de cochons ! Gueules de miteux ! Tâchez de brailler en mesure. Sinon fermez vos gueules. »
Si quelques jolies dames se montraient offensées, le maître de céans leur parle avec une très grande franchise : « Va donc, eh, pimbêche ! T'es venue de Grenelle en carrosse exprès pour te faire traiter de charogne ? Eh bien ! T'es servie ! » Il ajoutait même parfois : « Vieille vache ! ».
La verdeur de ces propos, ainsi que les affiches qu'il commande à son ami Toulouse-Lautrec, ne sont pas les seules raisons de son succès. On se déplace d'Auteuil ou de Passy pour l'écouter chanter les peines et les joies de la crapule, alors à la mode, avec, à l'époque, les ouvrages des écrivains naturalistes. Son répertoire de qualité se répand en même temps que les œuvres de Zola, de Paul Adam, des frères Goncourt, d'Oscar Méténier ou de Joris-Karl Huysmans.
Au Mirliton, le verre de bière est vendu treize sous, mais devant l'évolution de son public, Aristide Bruant décide d'instituer chaque vendredi une soirée « chic ». Ainsi, le vendredi le verre de bière est vendu cinq francs (cent sous). Des célébrités comme François Coppée, Lucien Guitry, le dompteur Pezon font partie des habitués de ces vendredis chics, entourés de bourgeoises endimanchées, ravies de s'entendre injurier par le « grand Bruant ».